Victor Noël, de naturaliste à défenseur de la biodiversité
À partir du 31/03/2021
Observateur amoureux de la nature, militant pour la protection de la biodiversité, l’adolescent de 15 ans publie Je rêve d’un monde…, plaidoyer d’un adolescent pour la biodiversité, vibrant appel à repenser notre rapport au vivant. Figure d’une jeunesse en rupture avec le vieux monde, il rêve d’une société « où le vivant est plus important que le profit ». Et nous invite à bousculer nos habitudes et nos décideurs en ce sens.
par Gaïa Mugler
Quel a été le déclic de votre engagement ?
À un moment, je me suis dit que c’était contradictoire, voire immoral, d’observer la nature en sachant qu’elle était fortement dégradée sans repenser mon mode de vie.
Et comment avez-vous adapté votre mode de vie ?
Chez nous, on privilégie le bio, puis le local. On boycotte les multinationales comme Amazon. L’urgence à végétaliser notre alimentation me paraît évidente. Mais si les petits gestes sont importants, ils ne suffisent pas. Il faut un changement de paradigme. Et des lois nouvelles. C’est là qu’on voit qu’il y a zéro volonté politique !
Comment réagissez-vous aux critiques ?
Elles peuvent être révélatrices et aider dans un combat. C’est vrai, tout le monde n’a pas les moyens de consommer bio. Pensons de manière holistique, il ne s’agit pas seulement de consommer autre chose mais autrement, et moins. Dans ma famille, ni aisée ni à plaindre, le véganisme nous permet de manger bio. Et on ne vise pas tant les individus qu’un système. Je n’accuse pas les agriculteurs mais le système agricole. Ce que je demande est un monde plus juste pour tous. On me dit : « Souciez-vous des humains plutôt que des animaux. » Mais pourquoi les dissocier ? !
Et ces « réformer le modèle agricole prendrait 15 ans, trop compliqué »… Alors il faudrait peut-être commencer dès maintenant ! Il est question d’un changement sociétal de grande envergure, mais d’un autre côté, il n’est pas compliqué de se défaire de certaines pratiques. En France, on chasse près de 20 espèces d’oiseaux menacées. Ça ne nécessite pas de revoir toute une organisation pour l’interdire !
En septembre 2020, vous rencontrez la ministre de la Transition écologique, avec le journaliste Fabrice Nicolino et la chanteuse Emily Loizau, pour le collectif de lutte contre les pesticides Nous voulons des coquelicots…
Cet échange a montré une fois de plus que le blocage provient du ministère de l’Agriculture et bien sûr de lobbys comme la FNSEA*. Barbara Pompili a signé l’appel bien qu’elle ait soutenu le retour des néonicotinoïdes.
Comment sensibiliser sans passer pour un donneur de leçon ?
Personne n’a envie de bousculer ses certitudes. L’astrophysicien et militant Aurélien Barrau, je crois, disait qu’il faut rendre ringard ce qui n’a plus lieu d’être et cool, les changements. Une des clés est de donner de la valeur et du respect au vivant pour ce qu’il est et non plus de façon utilitariste, comme les peuples premiers, bien plus résilients que nous. Si on arrive à faire s’émerveiller les gens, les jeunes, sur la nature, on n’est pas perçu comme moralisateur. Mais l’urgence est telle qu’on n’a pas le temps d’attendre les adultes de demain.
Que dire à ceux qui ont peur des petites bêtes dans les herbes hautes de leur jardin ?
Un abri à insectes sur une pelouse tondue n’a pas de sens. On peut partager son jardin entre des espaces « à nous », et des espaces avec du bois mort, où on ne fait rien. Où on lâche prise. Il faut cesser de craindre le vivant et changer d’esthétique, voir le « beau » dans le vivant.
Quel regard portez-vous sur vos aînés ?
Il est plus dur de changer les habitudes des seniors que des jeunes mais ne séparons pas les générations. On oublie qu’on détruit plus maintenant qu’il y a trente ans. Parmi les voix écologistes, il y a des jeunes, là où les retraités font vivre les assos.
Vous avez de l’espoir ?
Je regrette l’injonction sociale à l’optimisme. Ce sont les faits qui décident de notre pessimisme ou optimisme. Je ne veux pas dire qu’il faut baisser les bras, au contraire. J’essaie juste d’être réaliste. Ce n’est pas d’espoir dont nous avons besoin, mais de résilience. Quoi qu’il arrive, le changement climatique et la 6e extinction de masse auront lieu. Le discours écologique se focalise parfois trop sur le bilan carbone, au détriment de la perte de la biodiversité. On est dans un tournant, on peut encore agir, mais il ne faut pas espérer de solution miracle.
Comment vous ressourcez-vous ?
Là où tout a commencé pour moi, dans la forêt, face au vivant.
* Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles, syndicat majoritaire du secteur agricole.
Retrouvez cette enquête dans le n° 115 de CULTURESBIO, le magazine de Biocoop, distribué gratuitement dans les magasins du réseau, dans la limite des stocks disponibles, ou à télécharger sur le site de Biocoop.